dimanche 26 mai 2013

De jour comme de nuit Jean-luc Outers ****

De jour comme de nuit   -   Jean-Luc Outers































Actes Sud
Parution : mars 2013
Pages : 352
ISBN : 978-2-330-01425-4
Prix indicatif : 20.00€



Présentation de l'éditeur

L’ouverture de l’école des Sept-Lieues se déroula, comme prévu, le 1er septembre, date fixée par le ministère pour la rentrée scolaire, une journée spéciale, cela va sans dire, que, pour rien au monde, chacun, qu’il figurât ou non à l’horaire, n’aurait voulu manquer. L’émotion était palpable quand ils se retrouvèrent le matin à huit heures devant la bâtisse enveloppée d’une brume légère qui lui donnait des allures de maison hantée. Ils n’en croyaient pas leurs yeux de se retrouver là tous ensemble après deux années de palabres et de démarches, non pour participer à une réunion de plus, mais pour assister, en tant que témoins et acteurs, à la réalisation de leur rêve le plus fou. Lorsqu’ils s’embrassèrent pour se saluer, certains avaient les larmes aux yeux.


Jean-Luc OUTERS









Né en 1949 à Bruxelles, où il vit et travaille, Jean-Luc Outers est notamment l’auteur de L’Ordre du jour (Gallimard, 1987), Corps de métier (La Différence, 1992, Prix Victor-Rossel), La Place du mort (La Différence, 1995, Prix NCR).Chez Actes Sud ont paru La Compagnie des eaux (2001 ; Babel n° 728),Le Bureau de l’heure (2004 ; Babel n° 859), Le Voyage de Luca (2008 ; Babel n° 1162) et De jour comme de nuit (2013).



Mon avis


Au début, une écriture italique nous emmène en Belgique, dans le Borinage, vers La louvière sur les chemins de halage en compagnie du facteur.

Dans une écriture normalisée, l'auteur nous plante le décor. Trois jeunes enfants de bourgeois, la vingtaine font le choix de leurs études. On découvre :

- Hippolyte dont la mère est fanatique de Racine et de Phèdre en particulier; le père est politicien, il s'inscrit en fac de droit en pensant que cela mène à tout.

- César est le fils d'un banquier, il a fait un petit séjour au Chiapas, il méprise les banques et le système, il décide de faire sciences po. Il est militant et engagé.

- Juliette est la fille d'un bijoutier et se dit pourquoi pas psycho. Elle rencontre Rodriguo qui est d'origine chilienne, en tombe amoureuse et portera leur fille Marie.

Nous sommes dans les années 70, sous fonds de révolution des oeillets au Portugal, la fin de Franco, l'arrivée de l'horreur et de Pinochet au Chili.

Nos jeunes sont révoltés de la vie, bercés par Mao, Le Che ; ils se rencontrent dans des manifestations et rêvent d'un monde meilleur.

Rodriguo abandonnera Juliette pour aller combattre auprès des siens au Chili. Juliette élèvera sa fille avec comme deux parrains Hippolyte et César, notre trio est bien formé.

Cette partie très bien écrite et agréable à lire était un peu lente à mon goût . Mais tout à coup je fais le lien entre les écritures, les deux histoires se chevauchent, et leur vrai combat est enfin lancé. Le véritable rythme du roman est donné, les pages tournent, tournent, l'écriture magnifique m'emporte.

Nos trois amis gardent un très mauvais souvenir de leur éducation, et petit à petit ils vont se réunir avec d'autres pour un vrai projet d'école alternative qui les occupera à plein temps.

Comment intégrer dans notre société des jeunes complètement déscolariser et hors normes ? Comment les prendre en charge et leur apprendre à vivre ensemble ? et à partager ?

On assistera aux réflexions, jusqu'à l'aboutissement de cette belle école pas comme les autres. Elle existe vraiment, c'est le Snark à Houdeng-Aimeries, une école qui essaie vraiment de comprendre pourquoi et d'aider les jeunes à retrouver une place dans notre société.

Ces jeunes vont être confrontés à la réalité, ils feront grandir en même temps que le projet, leurs convictions, leurs idéaux, une petite révolution populaire qui changera l'enseignement pour permettre l'intégration quand rien ne va.

On suivra aussi de très près le chemin d'un enfant autiste qui traverse ce roman en répétant "qu'il cherche ce qui ne va pas dans la vie"

Un très beau roman à lire sans plus attendre.



Les jolies phrases



Tu aimes les gens, tu les écoutes, tu compatis à leurs douleurs, tu partages leurs joies, alors pourquoi pas la psychologie?

Les études sont une suspension du temps entre l'enfance et l'âge adulte, un moment différé avant de plonger dans le bain définitif de la vie. On sait à peu près d'où l'on vient, on ne sait pas où l'on va.

Les femmes font des enfants, les hommes font la révolution. Ainsi en va-t-il de la répartition des sexes. Que Juliette fût enceinte, c'était dans la nature des choses. Qu'un jour il serait le père d'un enfant faisait partie de la vie, tout simplement, car la vie c'était faire bouger le monde pour qu'il se soulève enfin. Ce bébé, elle l'avait voulu et à présent elle le sentait dans son ventre. Comment se défaire d'un être à qui l'on parle tous les jours?

La télévision a ceci de particulier qu'elle peut vous endormir tel un puissant somnifère et se muer le lendemain en détonateur soulevant le plus brutal réveil.

L'ennui, c'est terrible l'ennui, cette force d'inertie qui saisit votre corps à l'improviste, s'y installe paralysant ses moindres gestes. Il n'y a pas d'antidote à l'ennui, aucune fuite possible. Sans crier gare, le voilà, il est en vous, occupant indélogeable d'un corps devenu inerte où seuls la respiration et les battements de coeur témoignent d'un soupçon de vie.

Quel était le féminin de dictateur, déjà ? C'est vrai, réagit Hippolyte, alors que par je ne sais quel mystère de la langue, dictature est du genre féminin comme si la chose était féminine mais que celui qui l'incarne était un mâle irréductible.

Quelque chose s'était distendu entre eux, il ne s'en expliquait pas la raison. D'ailleurs, y en avait-il une ? N'était-ce pas le propre des choses de l'amour que de rester inexplicables, que d'aller et venir par le simple mouvement de la vie ?

Car si les dictateurs ont des pieds d'argile, encore faut-il que le peuple se soulève pour renverser leurs statues pathétiques.

Pour Marie, qui un à un apprivoisait les mots lus sur les lèvres de sa mère, le verbe partir et ses conjugaisons se chargèrent aussitôt de gravité car, étant sans retour possible, il n'y aurait plus de départ sans adieu.

Jean-Philippe éprouvait lui le sentiment que rien ne ressemblait plus au discours d'un patient que le discours d'un autre patient comme se ressemblent toutes les histoires des hommes ; il y est toujours question de naissance, d'amour et de mort.

Et comment imaginer la vie sans l'autre ?

Car qu'est-ce qu'un obsessionnel sinon quelqu'un qui s'accroche à son obsession comme à une bouée de sauvetage sous peine de perdre tout repère et de sombrer corps et biens ? Voilà pourquoi les obsessionnels sont dévorés par l'angoisse.

Tomber amoureux, on ne s'en remet pas de cette chute divine. Comme quoi, il faut faire confiance à la vie qui nous révèle de telles surprises.

L'amour et la souffrance allaient toujours de pair.....Mais comment imaginer l'amour sans l'aveuglement qui donne cette beauté tragique.




1 commentaire:

argali a dit…

Je vois que tu as aussi aimé ce livre. Je n'avais pas lu ton commentaire. Je m'en vais l'ajouter sous ma chronique.
Merci d'avoir mis le lien sur FB.
Bonne soirée