samedi 21 décembre 2013

ARDEN Frédéric Verger *** 6/10


FRÉDÉRIC VERGER

Arden

Collection Blanche, Gallimard
Parution : 22-08-2013






Parution : 22-08-2013
480 pages
140 x 205 mm
ISBN : 9782070139736 

L'histoire se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale en Marsovie, riche principauté d'Europe centrale. Alexandre de Rocoule, gérant du luxueux hôtel d'Arden, homme à femmes dont la gaieté a quelque chose de féroce, et Salomon Lengyel, veuf sérieux et solitaire, sont liés par une passion commune : l'opérette. Depuis 1917, ils ont écrit ensemble une quantité impressionnante de pièces en trois actes, inachevées car ils ne sont jamais d'accord sur la scène finale. 
Pendant qu'ils travaillent sans relâche, la bête nazie rôde autour de la Marsovie sur laquelle elle ne va pas tarder à poser la patte. Les persécutions de Juifs commencent. Le danger devient pressant pour Salomon et pour sa fille Esther, revenue auprès de son père et dont Alex tombe amoureux. Et si la composition d'une dernière opérette était le seul moyen de leur sauver la vie? 
Il est rare de voir aussi harmonieusement mêlés dans un premier roman l'intelligence, l'humour et la sensualité. Les scènes se déploient dans une profusion d'images éblouissantes, de détails comiques ou touchants, tandis que les rebondissements ne manquent pas dans le livret sanglant qui se joue en 1944 en Europe centrale.




FRÉDÉRIC VERGER

Frédéric Verger est né en 1959. Il enseigne le français dans un lycée de la banlieue parisienne. Arden est son premier roman.



Frédéric Verger




MON AVIS

Nous voici dans la forêt d'Arden - oh combien décrite à maintes reprises dans de nombreuses pages - plus précisément dans l'hôtel du même nom.  Un hôtel, un peu comme un décor d'opérette avec beaucoup de personnages typés, un immense buffet, de grandes tentures et multitude de décorations...


Le maître des lieux : Alexandre de Rocoule, homme à femmes sur le retour, amateur de Strauss et d'opérettes anciennes.  Il en a composé une multitude, toujours inachevées..

Son ami et complice d'écriture est Salomon Lengyel, il est tailleur de son état, il est juif.  Il a une fille Esther qu'il n'a plus vu depuis 3 ans, elle vit à Budapest.  Il lui écrit très régulièrement.

Nous sommes en Marsovie, pays imaginaire , principauté d'Europe centrale.  Ce pays imaginaire est un pays d'opérette.  Effectivement, saviez-vous que ce nom fut inventé par Franz Lehart dans le cadre de sa célèbre "Veuve joyeuse" ?

Pour la petite histoire, Franz Lehart était un compositeur hongrois très apprécié de Hitler et Goebbels, le régime nazi utilisa même sa musique à des fins de propagande.  Franz Lehart utilisait toujours des librettistes juifs.  Son épouse d'origine juive s'était convertie au catholicisme avant leur mariage.

Je vous raconte tout cela, car c'est troublant, nous sommes en pleine fiction, dans un monde imaginaire, des rues, des personnages fictifs, ce livre ne se veut pas historique et pourtant on trouve ici un clin d'oeil avec l'Histoire avec un grand H et la montée du nazisme, la lutte contre le bolchevisme.

Un livre dans lequel nous passerons sans cesse d'une chose à son contraire: la joie, l'exhubérance, l'homme à femmes qu'est Alexandre, la sobriété, la tristesse et la rigueur de Salomon.   Dois-je en déduire un parti pris de l'auteur?  Est-ce pour nous bousculer ?  Tout comme l'écriture en bloc, sans châpitre, ni paragraphe??   Est-ce pour nous désarçonner ? Nous enlever des repères ?

Nous sommes donc dans les environs de la forêt d'Arden , un pays de cocagne qui basculera dans la triste réalité de la guerre, des pogroms et du nazisme.  Alexandre fait partie des nombreuses personnes qui n'ont jamais pris Hitler au sérieux.  Il rit et se moque de la frayeur des juifs, jusqu'au jour où le roi Karol en 1942 autorise un corps de volontaires pour lutter contre le bolchevisme : les gardes noirs.

Les gardes noirs défilent dans les rues le vendredi et le 28 mars 1944 un fait divers sème la terreur : l'assassinat du père Molodine.  C'est le début de l'horreur de la guerre.  Peu de temps après, les allemands envahiront la Marsovie.  des pogroms auront lieu aux frontières, la peur arrive, les juifs doivent être recensés.

Salomon fera revenir sa fille Esther et Alexandre décidera de les cacher.

Voilà, je ne vous en dis pas plus.  J'avoue avoir rencontré des personnages haut en couleur mais le style de l'époque proustienne, flaubertienne n'a malheureusement pas entraîné mon imaginaire dans ses trop, beaucoup trop longues descriptions à mon goût.

J'ai vraiment eu du mal à me concentrer dans cette lecture, le livre ne m'a absolument pas fait voyagé, mon imaginaire n'a rien décodé.  C'est dommage car la plume pourtant est très juste, précise, poétique, très bien maîtrisée.  Le vocabulaire est riche.  Mais que de longueurs pour ce livre toujours en lice dans la dernière sélection du Goncourt 2013.  J'ai été jusqu'au bout de la lecture, le dernier tiers étant un peu plus vivant, souhaitant malgré tout connaître le destin de nos protagonistes.

Je reprendrai pour conclure une critique de Libération de ce 25/11/2013

"Arden a de quoi susciter chez le lecteur l'ennui le plus profond ou le plus déconcertant enchantement. Dans le premier cas, il lui sera insupportable d'être pris dans un texte aussi dense, stylistiquement léché, lourd de réminiscences de classiques rébarbatifs."


Ma note 6/10



LES JOLIES PHRASES


Par la suite il avait continué à se promener dans l'existence comme dans un bal, un bal sans miroirs où l'on ne se voit pas vieillir, et il ne se rendait pas compte que sa démarche, un peu alourdie, ressemblait maintenant pour les autres convives à celle d'un homme qui cherche la trace d'un bonheur passé.


La jeunesse désormais leur paraissait un cliché, et la maturité de leur personnage refléter celle de leur art.

Mais cette oeuvre nouvelle finissant tôt ou tard comme les autres, semblable à ces villégiatures dont on a élevé rapidement les murs mais qu'on ne peut finir.

Sa voix de tenor léger, un peu tremblante , semblait extraire avec délicatesse les mots du papier de soie de la mélodie, comme s'il craignait de les briser.

"Avant de vouloir humer la rose cachée dans le purin, le sage apprend à humer le purin sous les roses."

Le lendemain au réveil, beaucoup, assis sur leur lit, constatèrent avec surprise que la nuit les avait convaincus que les événements de la veille étaient inévitables.  Et certains y voyaient même le châtiment mérité de l'incrédulité stupide et arrogante des Juifs marsoviens qui semblaient croire appartenir à une espèce différente de Juifs.  Croire qu'on ne pouvait pas être massacré méritait qu'on le soit, voilà la loi qu'ils découvraient, le cul sur l'édredon, et trouvaient juste.  Certains crachaient même sur leur pantoufle, furieux d'être à cause des Juifs forcés d'assister à toutes ces horreurs.

Il sentit également en lui, aussi subitement poussée dans son coeur et aussi indéracinable que la certitude de la mort, la résolution de se tuer, totale, froide comme la sueur qui le recouvrait et qui n'était peut-être que le suint de l'épouvante car un calme absolu s'était posé sur lui, seul son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine creuse comme un roi abandonné clame dans un palais désert.

Le destin lui même était antisémite, qui comme un garde noir, lui réservait une humiliation jusque dans l'agonie.

C'était comme s'il s'était rendu ce soir-là aussi à un enterrement, celui de sa jeunesse et de l'impavidité héroïque de l'ancien temps, qu'il soupçonnait depuis longtemps moribonde, mais dont il comprit ce soir-là qu'elle étaient bien mortes et enterrées.

Mieux vaut regarder en face les fantômes du passé que d'en être hanté sans le savoir.

Tout le monde trouvait un réconfort dans le plaisir enfantin que font naître les fraternités de catastrophe.

Elle sentait monter en elle le sentiment d'être plus forte et plus seule qu'elle ne l'avait jamais été de toute sa vie. Cette sensation rayonnait dans son ventre, entre ses côtes, l'emplissait d'une chaleur qui la faisait trembler.

Avant même d'y avoir goûté, il lui semblait avoir compris la vérité de l'existence humaine, l'obstination de servir jusqu'à la fin des temps les mêmes vieux plats réchauffés.

Comment mieux se cacher qu'en étant nulle part ? Et comment mieux n'être nulle part qu'en étant partout ?

La passivité est la pire conseillère.  C'est elle que nous devons craindre.







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