samedi 1 février 2014

Nos mères Antoine Wauters ♥♥♥♥♥







Editions Verdier
Parution janvier 2014
160 pages
14.60 euros
ISBN 978-2-86432-745-5

QUATRIEME DE COUVERTURE

Dans un pays du Proche-Orient, un enfant et sa mère occupent une maison jaune juchée sur une colline. La guerre vient d’emporter le père. Mère et fils voudraient se blottir l’un contre l’autre, s’aimer et se le dire, mais tandis que l’une arpente la terrasse en ressassant ses souvenirs, l’autre, dans le grenier où elle a cru opportun de le cacher, se plonge dans des rêveries, des jeux et des divagations que lui permet seule la complicité amicale des mots.

Soudain la guerre reprend. Commence alors pour Jean une nouvelle vie, dans un pays d’Europe où une autre mère l’attend, Sophie, convaincue de trouver en lui l’être de lumière qu’elle pourra choyer et qui l’aidera, pense-t-elle, à vaincre en retour ses propres fantômes.
Ce texte, cruel et tendre à la fois, est avant tout le formidable cri d’un enfant qui, à l’étouffement et au renoncement qui le menacent, oppose une affirmation farouche et secrète de la vie. C’est ce dur apprentissage, fait d’intuition et de solitude, qui lui ouvrira plus tard des perspectives insoupçonnées.



UN EXTRAIT

  Tout bas, nous, en attendant qu’elles rentrent, on plante dans le ciel les racines du rêve et on voit apparaître, au loin, puis tout près, la même petite fille triste.
   La même magnifique petite fille.
   Elle descend des séries d’escaliers devant chez Nisrine la marchande de jouets, les descend et les remonte les genoux couverts de bleus. Et dans son regard, malheur, on sait qu’il n’y a personne. Nulle part on ne l’attend.
   Nos mères, toujours aux portes de nos pensées, nous disent que nous la rencontrerons bientôt, cette petite fille, à la fin de l’été c’est sûr, quand on se séparera, elles et nous, elles et moi. Car il faudra qu’on y arrive disent-elles, à se séparer, à ce que tu me quittes...
   Mais nos mères ne pensent pas ce qu’elles disent et ce qu’elles disent, évidemment, en est la preuve, alors nous gardons le silence et nous sourions encore.


L'AUTEUR




Antoine Wauters (1981) est philosophe de formation. Il travaille comme scénariste pour le cinéma et dans le domaine de l’édition. Il a publié trois livres aux éditions Cheyne, notamment Césarine de nuit, qui a fait l'objet de plusieurs lectures au théâtre par la comédienne Isabelle Nanty. Nos mères, son livre le plus récent, paraît en janvier 2014 aux éditions Verdier. 
 SES LIVRES 
Nos mères (roman), éditions Verdier, Paris, janvier 2014.
Sylvia (récit), Cheyne éditeur, collection Grands fonds, mars 2014.
Césarine de nuit (récit), Cheyne éditeur, collection Grands fonds, mars 2012.
Ali si on veut  (avec Ben Arès), Cheyne éditeur, collection verte, 2010.
Antioxydant (avec Tom Nisse), éditions Maelström, Bruxelles, avril 2012.
Debout sur la langue : éditions Maelström, Bruxelles, 2008.
Os : éditions Tétras Lyre, Liège, 2008.
OUVRAGES COLLECTIFS
Tonton, Les Etats Provisoires du poème XIII, Un vent des Caraïbes, hommage à Aimé Césaire, Cheyne éditeur, 2013
Poésie pour Cy Twombly : à l'occasion de l'exposition Cy Twombly à Bozar Bruxelles, février 2012. Avec des textes de Stéphane Lambert, Roland Jooris, Alfred Schaffer, Monika Rinck et Bernard Dewulf.
Trois poètes belges : éditions du Murmure, Dijon, 2010. (Avec Serge Delaive et Véronique Janzyk)


SOURCE BLOG DE L'auteur son blog


UNE INTERVIEW DE L'AUTEUR



MON AVIS

Enfant, quand je faisais référence à toi dans les histoires que j'inventais pour me tenir compagnie, je ne disais jamais maman, ni ma mère, mais bien plutôt nos mères.  Comme si j'étais plusieurs enfants et toi plusieurs mères à la fois, et comme si tout ce que je souhaitais finalement c'était ça : diluer nos souffrances en fragmentant nos vies.    Jean Charbel

L'introduction de ce premier roman de mon compatriote Antoine Wauters vous plante le décor.

Ce récit se divise en 3 parties.

Première partie :

Nous sommes dans un pays du Moyen Orient déchiré par une guerre civile, au bord de la Méditerranée. Jean Charbel est enfant, il a perdu son père lors des combats.  Il vit avec sa mère et son vieux grand-père , cloîtré au second étage de leur maison jaune.  Sa mère doit travailler pour les faire vivre et elle protège son fils comme elle peut, en l'enfermant pour lui cacher les horreurs de la guerre et sa tristesse.
Ils se mentent.  Elle l'aime, le couvre de baisers, l'étouffe de son amour et l'enferme à nouveau pour cacher sa détresse.  C'est un paradoxe mais c'est ainsi en apparence, tout va bien, l'un prend soin de l'autre à sa façon.

Jean pour survivre dans cette solitude, dans cet enfermement va s'inventer des personnages imaginaires, une fratrie, une amoureuse afin de pouvoir tenir, s'évader.  Il sourira pour dire que tout va bien c'est sa façon d'aider sa mère à supporter le deuil de son mari, la situation difficile, sa dépression.  Son imaginaire va le sauver.

Seconde partie :

Contraste énorme , Jean arrive dans un pays d'Europe, une contrée boisée où tout est calme en apparence.  Une apparence relative car il fera la rencontre d'une nouvelle mère - Sophie , sa mère adoptive.  Sophie est en proie avec une guerre intérieure, elle porte une douleur, un mal être en elle.  Elle aimerait tant aimer Jean autrement.

Troisième partie :

Jean a vieilli, il est écrivain aujourd'hui et il va essayer d'expliquer les raisons qui ont rendus sa mère comme cela.

Un magnifique roman sur la résilience, un merveilleux témoignage d'amour ou comment au delà de ses propres problèmes, si l'on s'intéresse à l'autre, comment on peut soit même aller mieux et même trouver la paix, prendre confiance en soi.

Un somptueux roman sur l'écriture et son pouvoir salvateur.

Une écriture magnifique, tonique, dure et magnifique à la fois. C'est parfois cruel mais tellement rempli d'amour.  On ne sort pas vraiment indemne de ce livre, il nous rend certainement plus fort.  Il y a beaucoup de poésie et de sensualité dans l'écriture.  Beaucoup d'images dans ce récit lumineux rempli d'espoir.

A lire sans modération au plus vite.

Gros coup de coeur.


D'autres avis Anne Argali
LES JOLIES PHRASES

Ne voulant pas nous voir souffrir, ni nous montrer qu'elle souffrent, elles nous retirent ni plus ni moins du monde, nos mères, elles nous coupent l'horizon.

Ou nous faisons diversion, ou nous mourons. Ou nous parlons de tout et n'importe quoi comme nous en avons l'habitude, ou nous mourons encore.

Et elles marchent dans les rues pleines de monde du quartier d'Achrafieh, rebâties avec les moyens du bord pour oublier le plus vite possible ce qui s'y est passé,et, selon les règles du premier sport national - je n'ai rien vu/tu n'as rien vu/personne n'a rien vu -, continuer à vivre.

Les enfants sont dans leurs coeurs tout le temps.

Du reste, pas une seule seconde elles ne se doutent que nous cachons mille choses au fond de nous, totalement dérobées à leur regard, dans une sorte de caisson fragile scellé par un cadenas qui est notre coeur.

Et pour nous convaincre, elles n'ont de cesse de nous répéter que le cristal se griffe facilement, par la topaze et par le quarts et maintenant, supplient-elles, maintenant devient comme eux, Jean, comme le quartz et comme la topaze, deviens dur comme de la pierre.

Et nous les aimons, et nous les haïssons, et elles nous aiment, non, elles nous adorent.  Elles nous protègent des blessures du monde.  C'est tout.

Mais il en est toujours ainsi chez nous : on nous cache les horreurs du monde, rien ne s'est jamais passé et personne personne n'a jamais rien vu.

Vraiment pense-t-on alors pour la toute première fois, ces femmes sont irrécupérables.  Et plus elles parlent, plus on se dit qu'elles sont séparées en deux, carrément, avec d'un côté l'amour qu'elle ont pour nous et de l'autre, le désespoir;

La page 121 est magnifique.



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