mardi 18 mars 2014

Sans oublier Ariane BOIS **** 9/10




Février 2014
19,50 € - 252 p.
Belfond



Merci à Babelio et Masse critique pour ce partenariat


L'AUTEUR



Grand reporter au sein du groupe Marie-Claire et critique littéraire pour le magazineAvantages, Ariane Bois a déjà publié deux romans, Et le jour pour eux sera comme la nuit(Ramsay, 2009 ; J'ai Lu, 2010) et Le Monde d'Hannah (Robert Laffont, 2011). Tous deux ont été salués par la critique et par des prix littéraires, et traduits à l'étranger. Le Monde d'Hannaha été vendu à 9 000 exemplaires en grand format et à 30 000 en club. Il paraît chez J'ai Lu en même temps que Sans oublier.


UNE VIDEO


Résumé


La disparition de sa mère, elle pourrait en mourir. Pourtant elle va survivre, et l'épreuve de douleur se fait parcours de réconciliation, de compréhension et de vie. Une plume trempée dans l'urgence, un roman d'aujourd'hui.

Lorsqu'elle apprend l'accident qui a coûté la vie à sa mère, une jeune femme voit sa vie exploser. Tout se délite et s'obscurcit dans le ciel de sa mémoire. L'onde de choc atteint ses enfants et son mari. Pour enrayer cette chute libre, il lui faut partir, tenter de se retrouver pour sauver les siens.

Récit d'un crash intime, d'une fugue maternelle sur les traces d'un silence familial, Sans oublier raconte comment, pour devenir mère, il faut d'abord cesser d'être une fille.

Une écriture intense qui réconcilie de façon saisissante la noirceur du deuil et la rage de vivre.

Grand reporter au sein du groupe Marie-Claire et critique littéraire pour le magazineAvantages, Ariane Bois a déjà publié deux romans, Et le jour pour eux sera comme la nuit (Ramsay, 2009 ; J'ai Lu, 2010) et Le Monde d'Hannah (Robert Laffont, 2011 ; J'ai Lu, 2014). Tous deux ont été salués par la critique et par des prix littéraires, et traduits en plusieurs langues.


REVUE DE PRESSE




" L'amour, la maternité et les enfants cachés durant la guerre : un roman qui parle de courage et qui a des tripes."Françoise Feuillet, Avantages 01/03/2014

" Un récit autobiographique qui prend aux tripes, au coeur. [...] Une réflexion sensible sur la transmission, le lien mère-fille et sur tous ces non-dits qui résonnent si fort dans les familles. "David Lelait-Helo, Nous deux 18/02/2014

" Ce "Sahara à tous les étages" est douloureux et intéressant à la fois. Et s'il fallait grossir l'impression de lecture de ce roman autobiographique, nous dirions que, dans ce récit, les sentiments poussent au désespoir et la réflexion porte à l'espoir."Marin De Viry, Marianne 14/02/2014

" Ce beau roman à l'écriture dense et ciselée, raconte un deuil et une métamorphose."Charlotte Fouilleron, Femme Actuelle 10/02/2014

" Un très beau roman chargé d'émotions, sur ces secrets de famille qui engendrent de lourds traumatismes familiaux et individuels, et sur la difficulté de vivre quand on est survivant. "Page des libraires 07/02/2014

" A travers cette enquête ou plutôt, cette quête bouleversante, Ariane Bois [...] nous invite à réfléchir sur le lien mère-fille et nous transmet sa rage de vivre, de dépasser la peur et le racisme."Emmanuelle De Boysson, BSC News 01/02/2014

"La toute dernière partie, portrait d'une femme seule, à la fois vaincue et confortée, est profondément touchante mais malicieusement habile [...]. Oui, Sans oublier est un beau livre, de ceux qu'on n'oublie pas."Pierre Vavasseur , Le Parisien 02/03/2014



MON AVIS

Un grand merci aux Editions Belfond et à Babelio (Masse critique) pour cette belle découverte, cette écriture magnifique d’Ariane Bois qui nous signe ici son troisième roman.

Notre narratrice dont nous ne connaissons le prénom a tout pour être heureuse. Un chouette boulot dans la pub, un mari attentionné, deux enfants Claire 6 ans et Simon 3 ans. Ils sont aisés, nous sommes la veille de vacances.
Mais tout à coup, tout s’écroule.  Sa mère, journaliste reporter avec qui elle a une relation assez forte, meurt dans un crash d’hélicoptère en Sibérie dans le détroit de Bering.  Elles s’étaient entendues le matin même. Vu le contexte, c’est difficile, les démarches pour récupérer le corps sont longues et compliquées.  La situation est confuse.

Elle aura du mal à vivre la situation, des doutes sur l’identité du corps qui lui est restitué dix-huit jours plus tard. Ne pas pouvoir l'identifier ni voir la dépouille de sa maman lui rendra très difficile le chemin du deuil.

Sa vie bascule, un véritable cataclysme se produit, elle se crashe, est emplie de doutes. Elle se remémore la perte de son jeune frère, parti volontairement âgé d'à peine 20 ans.
Elle passera par différentes étapes, d’abord le déni, et petit à petit sombrera dans la dépression, dépression qu’elle avait déjà connue à la naissance de sa fille…

Malgré l’attention et l’amour de son mari qu’elle surnomme « L’Homme », elle s’enfonce peu à peu, s’enlise de plus en plus profondément.  Elle ne voit que son chagrin, ses souvenirs et est incapable de voir le chagrin de son entourage.   Elle perd littéralement pied et met la vie de ses proches en danger, elle en est convaincue.  Après avoir essayé d’en finir avec la vie sans succès et lors d’une dispute banale, elle choisira la fuite comme refuge. 

Elle prend sa voiture et roule jusqu’au village de Chambon – sur – Lignon , elle y a rendez-vous avec elle-même et son histoire mais l’ignore.

Hasard ou coïncidence ???

Par sa solitude et par l’écriture, elle va revivre ses souvenirs et essayer de reprendre pied.

Un sujet difficile le deuil d’une maman et d’un proche. Mais il va bien au delà, la relation qui semblait fusionnelle avec sa maman, qu’était-elle au juste ???
La narratrice voulait être le prolongement de sa mère mais en réalité se réalisait-elle, elle-même ??, n’était-elle pas en quelque sorte « dépendante » « dominée » ?? Que cachait ces liens très forts?? N'y a-t-il pas un lien dans la difficulté de ses rapports avec sa fille aujourd'hui?  Des questions, des réponses dans la lecture.

Ce livre nous plonge dans le monde de la dépression, les différentes phases de la descente aux enfers, la perte de contrôle.  Ce qui nous fait peur, on n’a pas envie de passer par là. 
Et puis petit à petit, la vie reprend ses droits avec ses surprises, petit à petit des éléments nous arrivent et un puzzle se remplit, rendant possible la " re-" construction de notre héroïne.

Une rencontre fortuite, en la présence de Sylvain et sa maman Jeanne amènera un côté lumineux à cette lecture. L'héroïne aura rendez-vous avec « le secret de famille » qui lui permettra de lire en elle, de comprendre les comportements de sa maman, ses rapports avec sa fille, ses proches..  Petit à petit on assistera à sa libération et reconstruction.

La plume est magnifique, prenante. Le ton employé est juste. Le style est fluide et élégant et on se laisse happer, emporter, bercer par l’écriture intense, sensible et sincère. Entre ombre et lumière j’ai envie de dire avec un esprit poétique.  Une écriture salvatrice, libératrice pour ce roman en partie autobiographique. Enormément de jolies phrases et de passages magnifiques.

Merci encore à Masse Critique et aux Editions Belfond pour cette très belle découverte.


Ma note : 9/10


LES JOLIES PHRASES


Je veux qu’il me rassure. Un homme c’est fait pour ça non ? 

Nous n’osons pas nous regarder. Si l’on évite le regard de l’autre, notre monde tient encore debout.

De fait, les jours passent vite, entre papouilles er repos, mains douces et retours de sensations oubliées, le corps reprend son souffle… Et puis il y a la mer, cette impression inouïe d’être lavée de ses peurs, de ses chagrins, de se retrouver neuve face à l’immensité.

Je partageais physiquement ses émois. Elle souriait, je me détendais tel un élastique laissé au soleil.  Elle s’énervait, le monde s’écroulait, la panique me prenait.  Je n’arrivais pas à lui donner ce qu’elle attendait, je faillissais à mon devoir.  Elle avait l’air d’une gamine perdue, et moi, la véritable petite fille, cela me perdait.

On m’ouvre en deux sans perdre de temps.  L’impression inouïe que l’on fourrage à l’intérieur de moi, que l’on y range divers éléments, que l’on passe l’aspirateur et le torchon au milieu de mes organes. 

Le deuil est une guerre et je suis en train de la perdre.  Vaincue, sans avoir pris les armes.  La mort ne vous prive pas seulement des autres, elle dérobe la meilleure part de soi, celle avec qui l’on cohabite sans souci.  La mort vous pille, vous insulte et, en sus, vous fait les poches, ne laissant qu’une enveloppe vide.

J’avais découvert la lecture, vice solitaire, inguérissable.

Petit à petit , quelque chose en moi s’incline, abdique. J’invite, j’accepte la mort de ceux que j’aime, et surtout la mienne.  Juste arrêter de souffrir, de faire souffrir mes proches.  Partir comme on dort, apaisée, sans regret, ni riposte.

Il paraît qu’on oublie des pans entiers de son enfance ou qu’on les reconstruit, de manière à pouvoir, à son tour, donner la vie sans avoir trop peur.

Aujourd’hui je retrouve cette sensation indescriptible, le soulagement de confier au papier mes émotions, des phrases orphelines, indisciplinées.  Ecrire les maux pour qu’ils vous quittent.  Ca coule au même rythme que mes larmes, une cataracte de sentiments, de détails, de séquences, de phrases fichées en moi, comme ce bout de crayon que m’avait planté mon frère dans la paume. J’aimerais écrire des textes qui sautent à la gorge, d’un style acéré, « à l’os ». Mais on ne s’improvise pas écrivain, et je me contente de noircir du papier.  Rassembler ma mère en éclats.  Il y a toujours eu des mots entre nous, l’écriture nous liait, presque autant que l’amour filial. 

Les livres s’élèvent jusqu’au plafond, comme des remparts, rendus à leur usage essentiel : la protection.

Comme une petite veine, une rivière souterraine, ces révélations me relient à l’histoire, celle dont je ne connaissais jusque-là que ce que j’avais appris à l’école.

En partageant son passé, Jeanne scie un barreau de ma prison, me libère de mon fardeau.  Pour la première fois, je sens l’air du dehors, sensation de liberté retrouvée.

J’en arrive à ma décision, impulsive, déraisonnable, illogique, qui s’est imposée tout d’un coup comme une évidence. Partir pour ne plus faire mal, pour les sauver.  Se comporter en mère et en femme devenait impossible : j’étais redevenue une enfant apeurée, en quête d’une sécurité disparue.  Quelque chose de vital m’avait arraché, et cette vie qui m’avait été transmise, je n’arrivais plus à la transmettre à mes enfants, à leur donner des raisons de grandir, de rentrer à leur tour dans la ronde.  Je ne pouvais plus les bercer de certitudes, leur assurer que je serais toujours là.

C’était vrai, à côté de ma mère, je me voyais comme un végétal, une sorte de lierre qui avait besoin d’un mur, d’un tuteur pour grandir.

P 211 à 214  magnifique

J’ai mis longtemps à comprendre que ce que  l’on donne aux enfants ne nous revient pas…  Il faut accepter qu’ils vivent à leur façon, les aimer assez pour leur permettre de faire leur chemin.  Etre parent, finalement, c’est mettre au monde un enfant et accepter de l’y laisser, renoncer à ce sentiment de propriété, de droit exclusif. Et y trouver même du plaisir.

L’amour n’empêche pas la mort mais la mort ne signe pas la fin de l’amour.

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