dimanche 11 décembre 2016

Le modèle - Manuel Capouet

Le modèle

Manuel Capouet






















Diagonale
Roman
Parution : 16 octobre 2016
250 pages
ISBN 978-2-960132-16-8
17, 50 €


Présentation de l'éditeur


"La terre n’était maintenant plus qu’à cinquante millions de kilomètres du soleil et était irradiée d’un flux solaire ultraviolet sept fois plus puissant que d’ordinaire. L’eau des océans s’évaporait à toute allure, tandis que la proximité combinée de Mercure et du soleil provoquait des raz de marée terrifiants qui engloutissaient les mégapoles humaines. (…) Il fallait agir vite. C’est à ce moment-là qu’une secrétaire amidonnée s’est pointée à ma table en me disant que Nishimura Sensei voulait me voir.
- Ima ? Maintenant ? demandai-je.
Elle parut surprise… 0n ne faisait pas attendre le Sensei."


Extrait, Le Modèle, Manuel Capouet, éditions diagonale, octobre 2016


Le mot de l'éditeur :

Manuel Capouet signe avec Le Modèle un roman d’une exceptionnelle originalité et actualité.

Jacques-san, jeune chercheur en climatologie, nous offre une percée rare dans les arcanes de la simulation climatique à Tokyo et dévoile au lecteur l’envers du décor des prédictions planétaires. Et si le futur s’annonce en catastrophes multiples dans la chambre de notre universitaire quelque peu extravagant, les gens se bousculent à sa porte pour savoir s’il vaut mieux investir dans le vin en Chine ou cultiver des insectes sur la bande côtière de la province pakistanaise de Sind.

Le roman évolue avec humour et légèreté, posant un regard tendre et amusé sur les codes et rituels de la société japonaise. Il nous embarque aux confins de la beauté de notre Terre, nous rappelant que l’essentiel est de vivre, d’observer, de goûter au silence. Sagesse nippone.

Mon avis

Jacques a vingt-sept ans, il est chercheur en climatologie.  Il vient de gagner une bourse de recherches à Tokyo.  A peine débarqué au Japon au kaikan (foyer universitaire) et pris possession de sa petite chambre de 15 m², un coup de fil du professeur Nishimura, alors qu'il s'endormait lui demande de venir de suite..

Et voilà on bascule de suite dans les us et coutumes du Japon.  Une culture bien différente de la nôtre.

Avec beaucoup d'humour et de légèreté mais avec une grande précision Manuel Capouet nous décrit la ville, les codes et rituels du Japon, les rapports entre les gens et entre les subalternes.

Jacques va faire connaissance avec Atmosphéric General Circulation Model (AGCM) qu'il baptisera Scylla.  C'est un méga ordinateur capable de simuler l'évolution du climat en fonction de multiples paramètres renseignés.  Jacques San sera complètement obsédé par la modélisation et Scylla. Il en perdra la raison.

Son objectif : prévoir les conséquences climatiques et démographiques.  Il abordera le thème de l'immigration et ses conséquences.

Il vivra en véritable ermite, plongé jours et nuits dans sa modélisation, pour devenir une sorte d'oracle, de pythie prédisant l'avenir des cultures dans telles ou telles régions.

Un livre sympathique, bien rythmé qui nous permet d'apprendre beaucoup de choses sur les variations climatiques et leurs conséquences.  Beaucoup de réflexions se dégagent à la lecture.  On apprend tout en s'amusant.

Originalité du récit ; des mots en japonais avec chaque fois une annotation nous permettant de comprendre et de les assimiler pour s'imprégner de la culture japonaise. Une très belle écriture.

Autre particularité, un peu déroutante au départ, une partie des dialogues est en anglais ce qui donne encore plus de réalisme à la situation.

Un premier roman réussi, on a envie de savoir, on ne le lâche pas du début à la fin.  On s'instruit, on sourit et rit à la lecture.  Une belle réussite.

Soyez curieux.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Tokyo ne ressemble pas aux villes européennes.  Nos villes sont profondément humaines, tandis que Tokyo paraît suspendue comme un nid de guêpes monstrueux qui n'a d'autre fin que de croître.

Les riches comme les pauvres polluent.  Les uns par luxe, les autres par nécessité.

C'est juste qu'il y a trop de monde. Trop de monde comme à Tokyo.  On est tous trop serrés et on s'intoxique comme des poulets de batterie.  Pourtant ça n'arrête pas de pondre.  Scylla a raison, ça vit trop.

La vie c'est "on"  ou "off".  On ne glisse pas vers la mort.  Un instant, on était, ensuite on n'est plus et on n'a rien vu venir.

En Occident, la confiance, on s'y résigne seulement quand il n'y a pas moyen de faire autrement.  On la concède en maugréant des "si tout le monde faisait comme ça".  Ici, on donne sa confiance d'emblée, simplement, parce que la fierté se porte sans mensonge.  Quand bien même on la perdrait, ce n'est jamais définitif, car le suicide rend tout au Japon.

Le migrant... Quand il arrive quelque part, qu'est-ce qu'il devient ?  (...) , et on ne savait toujours pas si le migrant avait fini par se sentir chez lui quelque part et en paix .

Travaillez mal, travaillez bien, c'est sans importance au Japon.  Avant tout, soyez présent !

Votre problème à vous les occidentaux, c'est que vous n'osez plus vous plonger dans une vie réelle.  Vous préférez vivre à côté.

Il laissait le temps percoler en lui.  Il se sentait à sa place, parfaitement dans son espace et dans le présent.  Il en saisissait chacun des infinis instants qui coulaient en lui.  On aurait dit qu'il s'était libéré du désir lié à l'attente.

Tous les enfants du monde préfèrent le miel au navet.  Les chansons d'amour racontent toutes les mêmes histoires.  Personne ne croit aux promesses mais tout le monde en demande.

J'ai pensé qu'il suffisait de remettre l'amour à plus tard comme un achat.  L'objet est toujours neuf quel que soit le jour où on l'achète.  Peut-être que si je parvenais à vivre comme si demain était du bonus j'y gagnerais l'éternité et, après tout, c'est tout ce qui compte.

Le monde est fait de systèmes qui s'affrontent et se repositionnent comme des plaques techtoniques. Tu dois traquer les failles cachées sous le ciment des civilisations. Tu dois introduire le jeu de la thèse et de l'antithèse dans ton modèle. C'est cet équilibre qui introduit le temps et donne la direction de l'évolution de l'humanité. Retiens ceci : la contradiction est la racine de tout mouvement et de toute manifestation vitale.  (Nope, Hegel)

Les Japonais sont comme ça ; ils peuvent nous entretenir de sujets anodins pendant des heures.  Comme le dit Selim, ces petites choses sans importance sont autant de nénuphars qui parsèment la surface de l'eau et cachent pudiquement la vase boueuse des vérités froides et nues.  Les Japonais sont toujours en train de nous signifier autre choses que ce dont ils nous entretiennent.

La réalité est moins moche quand elle est amère et absurde.  Les plus belles poésies et les rires les plus forts naissent de l'abîme du désespoir.

C'est le problème des démocraties, continuait Selim.  Elles atrophient vos envies et vous préférez qu'on vous raconte le monde à travers de petites histoires le soir avant de vous endormir.

Ce qui n'est pas encore modélisé est nommé liberté.  Ce qui est modélisé est nommé rationalité.  Ce que l'on nomme évidence est donnée.  Ce que l'on nomme choix est équation.  Ce que l'on nomme décision est résolution.

In my culture, you can refuse a bottle of wine, never a piece of bread.

Mais qu'importe! Quand il y a crise, il y a opportunité !











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