vendredi 8 décembre 2017

Entre deux mondes - Olivier Norek

Entre deux mondes     -    Olivier Norek



Entre deux mondes

Michel Lafon
Parution 05/10/2017
Pages : 417
Isbn : 978-2-7499-3226-2
Prix :  19.95€


Présentation de l'éditeur


Ce polar est monstrueusement humain, " forcément " humain : il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre, il y a juste des peurs réciproques qui ne demandent qu'à être apaisées.
Bouleversant


Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l'attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir.
Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu'il découvre, en revanche, c'est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n'ose mettre les pieds.
Un assassin va profiter de cette situation.
Dès le premier crime, Adam décide d'intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il est flic, et que face à l'espoir qui s'amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou.

Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu'elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d'ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger.

L'auteur

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OLIVIER NOREK, lieutenant de police à la section enquêtes de recherches du SDPJ 93 depuis dix-sept ans, auteur de Code 93, Territoires et Surtensions, trois polars largement salués par la critique et le public. Surtensions a remporté Le Prix Le Point du polar européen en 2016.


Ses autres bouquins :

Surtensions Territoires Code 93

Il nous en parle dans "La grande librairie"



Mon avis

Quelle claque les amis !  Un indispensable !  A lire de toute urgence.
Olivier Norek dont je découvre la plume (je sens que je vais lire les autres) nous propose ici un récit émouvant, poignant parlant d'un sujet sensible : les migrants.

Il nous plonge dans la jungle de Calais avant son démantèlement.  Un endroit où Internet leur faisait miroiter la sécurité pour les femmes et les enfants avant d'atteindre le but ultime : "Youké", UK, l'Angleterre, étant l'Eldorado, la terre de tous les espoirs pour les migrants.

Un récit poignant, dur, très dur parfois qui m'a fait passer par une grande palette d'émotions.

Un récit découpé en parties : FUIR/ESPERER/RESISTER/SURVIVRE et SOMBRER... le parcours de beaucoup de migrants en somme.

Adam Sarkis et sa famille vivent à Damas.  Il est flic infiltré à la Military Intelligence mais depuis le printemps arabe il résiste pour l'armée syrienne libre.  Il vit et voit l'horreur et la torture imposées aux résistants du régime.

Il n'a pas le choix, il doit mettre sa famille à l'abri.  Nora sa femme et Maya sa fille de six ans vont entreprendre le voyage vers l'Europe. Objectif : "la jungle" pour l'attendre en sécurité avant l'étape ultime.  Il les rejoindra.

Bastien est lieutenant de police, il arrive à Calais avec sa petite famille en juillet 216 et intègre son équipe.  Il veut prendre conscience de la situation.  Personne ne rentre dans la jungle, les flics n'interviennent pas là-bas.  Il veut se rendre compte et "apprivoiser" la jungle.  Il la découvre, ses bruits, ses "villages, ses odeurs...  

C'est à l'hôpital suite à une intervention qu'il croisera la route d'Adam et Kilani.  Adam l'arabe qui n'a pu résister à l'horreur et a sauvé Kilani d'un viol commis par les afghans.  Cet enfant soudanais ne le quittera plus.

Il y a beaucoup d'autres choses dans ce récit qui est un excellent page turner, un thriller, parfois très noir mais aussi par moment un récit de littérature blanche.

Des personnages attachants comme Ousmanne par exemple, le chef des soudanais.  Olivier Norek nous décrit bien la difficulté pour la police d'agir dans ce camp car on y trouve "des réfugiés potentiels" à qui on ne donne pas de statut réel , alors à quoi bon punir, réprimer des personnes à qui on ne reconnait aucun statut.

Contradictions, oppositions entre préserver la ville et son économie (le port de Calais), le tourisme et la jungle.

Ce qui fait la force de ce récit c'est l'humanité qui s'en dégage, la véracité des propos.  Chaque personnage nous est livré avec ses zones d'ombres.  Nous sommes continuellement "entre deux mondes", le bien et le mal, l'horreur, la souffrance et l'espoir, la dépossession et l'abondance, l'intolérable et l'acceptable.  Quelle est la frontière entre l'enfance et l'âge adulte, la violence et la solidarité.

Le style est fluide, maîtrisé, très visuel.  Cela sent le terrain.  Olivier Norek a d'ailleurs vécu plusieurs semaines dans la jungle et ses abords pour s'immerger, gagner la confiance des occupants et glaner leurs histoire, leurs expériences, écouter le témoignage des réfugiés mais également ceux des flics.  Tout est vrai dans cette "fiction", il a romancé l'histoire qui se base sur des faits réels.  

C'est un indispensable, à découvrir de toute urgence.

Merci beaucup à Alain et aux éditions Michel Lafont pour cette poignante découverte. J'ai hâte de découvrir les autres récits de l'auteur.

Ma note : sans équivoque un immense coup de coeur ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

C'est normal d'être parano, houbbi, tu es une poule déguisée en renard parmi les loups.

Il ne pourrait pas sauver son pays.  Seules sa femme et sa fille comptaient à présent.  Il allait quitter la Syrie par tous les moyens possibles.  Et que ceux qui diraient qu'il aurait pu se battre pour aider son peuple aillent se faire foutre.  Ou viennent à sa place, dans ce hangar surchauffé, recenser des suicidés aux pieds brûlés et aux dents arrachées.

Cherchez pas, ça n'existe nulle part ailleurs et dans aucun texte de loi.  C'est du fait maison Calais, spécialité locale.  En gros, avec ce statut bâtard, on ne peut pas les interpeller.  Logique, si on refuse de les intégrer à la France, ce n'est pas pour les faire rentrer dans le système judiciaire.  Mais on ne leur donne pas non plus la qualité complète de réfugiés, sinon, il faudrait s'en occuper.  Donc avec cette appellation de réfugiés potentiels, ni on ne les arrête, ni on ne les aide.  On les laisse moisir tranquilles en espérant qu'ils partiront d'eux-mêmes.

Coincés entre la vie terrestre et la vie céleste.  Comme bloqués entre deux mondes.  Ils me font penser à eux, oui.  Des âmes, entre deux mondes.

Nous devenons des monstres quand l'Histoire nous le propose. Nous réussissons même à trouver des ennemis parmi nos propres frères.

- Tous ces migrants, là, c'est comme s'ils fuyaient un assassin en série, qu'ils frappaient à notre porte et que nous, on faisait semblant de pas entendre.
- D'accord, sauf qu'ils sont dix mille à toquer.  Et avec le phénomène d'aspiration, si on ouvre pour ceux-là, dix mille autres se présenteront, puis dix mille autres.
- Je sais, mathématiquement, ça tient, mais humainement, ça bloque toujours...

Tu ne sais pas grand chose de moi, Adam, et c'est bien comme ça.  J'étais soldat.  J'ai tué des hommes, et d'autres qui ne l'étaient même pas encore.  Je n'ai pas eu le choix.  Mais eux aussi avaient un père, qui doit me haïr, ou me chercher. Ca n'a pas de fin.  Nous sommes tellement de personnes différentes dans une même vie. Père, assassin, ami.

Les enfants heureux doivent imaginer leurs monstres, planqués sous le lit.  Au cours de sa vie, Kilani en avait affronté de nombreux, et ceux-là ne se cachaient pas.


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